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Le Hobbit (The Hobbit) ou Bilbo le Hobbit est un roman de fantasy de l’écrivain britannique J. R. R. Tolkien. Il raconte les aventures du hobbit Bilbo (ou Bilbon), emmené bien malgré lui par le magicien Gandalf et une compagnie de treize nains dans leur voyage vers la Montagne Solitaire, à la recherche du trésor gardé par le dragon Smaug.
Rédigé de manière intermittente de la fin des années 1920 au début des années 1930, Le Hobbit n’a d’autre but à l’origine que de divertir les jeunes enfants de Tolkien. Le manuscrit inachevé circule parmi les proches de l’écrivain et arrive finalement chez l’éditeur londonien Allen & Unwin, qui demande à Tolkien d’achever le récit et de l’illustrer.
Le Hobbit paraît le 21 septembre 1937 au Royaume-Uni. C’est la première œuvre publiée qui explore l’univers de la Terre du Milieu, sur lequel Tolkien travaille depuis une vingtaine d’années. Elle rencontre un franc succès critique et commercial, qui incite Allen & Unwin à réclamer une suite à son auteur. Cette suite devient le roman le plus connu de Tolkien : Le Seigneur des anneaux, une œuvre beaucoup plus complexe et sombre. Le souci de cohérence entre les deux ouvrages pousse l’écrivain à procéder à des révisions du texte du Hobbit, concernant en particulier le rôle de Gollum.
Le Hobbit a connu des adaptations sur de nombreux supports : au théâtre, à la radio, en téléfilm d'animation, en jeux de société et en jeux vidéo. Une adaptation cinématographique en trois volets, réalisée par Peter Jackson, est en cours. Le premier film est sorti en France le 12 décembre 2012, le second est sorti en France le 11 décembre 2013 et le troisième et dernier volet dont la sortie est prévue en France sortira le 10 décembre 20141.

Le récit

Résumé

Bilbo Bessac.
Le hobbit Bilbo BessacN 1 (Bilbo Baggins) mène une existence paisible dans son trou de Cul-de-Sac (Bag End) jusqu’au jour où il croise le magicien Gandalf. Le lendemain, il a la surprise de voir venir prendre le thé chez lui non seulement Gandalf, mais également une compagnie de treize nains menée par Thorin Lécudechesne (Thorin Oakenshield) et composée de Balin, Dwalin, Fili, Kili, Dori, Nori, Ori, Oin, Gloin, Bifur, Bofur et Bombur. La compagnie est en route vers la Montagne Solitaire, où elle espère vaincre le dragon Smaug, qui a jadis dépossédé les nains de leur royaume et de leurs trésors. Cependant, pour mener à bien leurs projets, il leur faut un expert-cambrioleur, et Gandalf leur a recommandé Bilbo. Celui-ci est plus que réticent à l’idée de partir à l’aventure, mais il finit par accompagner la troupe.
En chemin pour les Montagnes de Brume (Monts Brumeux), la compagnie est capturée par trois trolls et ne s’en sort que grâce à l’astuce de Gandalf. Le magicien, connaissant le point faible de ces créatures, les distrait jusqu’à l’aube, moment où ils se transforment en pierre sous l’effet de la lumière du soleil. Dans le repaire des trolls, la compagnie découvre des épées de l’ancien royaume elfique de Gondolin. Thorin et Gandalf prennent chacun une épée, tandis que Bilbo reçoit une dague qu’il baptise par la suite Dard. Peu après, la compagnie atteint Fendeval (Rivendell), la demeure du semi-elfe Elrond, qui les aide à déchiffrer la carte du trésor de Smaug et les inscriptions runiques des épées.
Thorin et Cie à l’orée de Grand’Peur.
Une fois dans les Montagnes de Brume, une tempête oblige la compagnie à se réfugier dans une caverne pleine de gobelins qui les prennent en chasse. Dans la confusion, Bilbo perd ses compagnons de vue. Après avoir découvert un mystérieux anneau, le hobbit parvient sur la berge d’un lac souterrain, où vit une créature nommée Gollum. Celui-ci le soumet à un jeu d’énigmes : si Gollum l’emporte, il pourra manger Bilbo ; dans le cas contraire, il conduira le hobbit jusqu’à la sortie. Bilbo remporte le concours en se demandant involontairement à haute voix « Qu’est-ce qu’il y a dans ma poche ? », question à laquelle Gollum ne parvient pas à répondre. Celui-ci n’a aucune intention de remplir sa part du marché et part à la recherche de son anneau pour tuer Bilbo, qui découvre que l’objet lui confère l’invisibilité lorsqu’il le passe au doigt. Grâce à lui, le hobbit parvient à s’enfuir des grottes et à rejoindre ses compagnons. Ils sont à nouveau pourchassés par un groupe de gobelins et de wargs, mais l’intervention des aigles géants leur permet de s’en sortir vivants.
La compagnie descend des montagnes et arrive à la demeure de Beorn, un homme qui peut se changer en ours. Beorn leur prête des armes et des poneys pour qu’ils puissent rejoindre la forêt de Grand’Peur (Mirkwood). Arrivés à l’orée des bois, Gandalf les quitte pour vaquer à ses propres affaires. Durant leur longue et pénible traversée de la forêt, les nains, épuisés et affamés, sont capturés à deux reprises, d’abord par des araignées géantes, puis par les elfes sylvains, mais dans les deux cas, Bilbo met à profit son anneau magique pour libérer ses compagnons.

La compagnie arrive finalement à l’établissement humain de Bourg-du-Lac (Lacville), où elle prend un peu de repos avant de se diriger vers la Montagne. Grâce à l’anneau, Bilbo se faufile jusqu'à la tanière du dragon et, après une conversation avec la créature, s’échappe en dérobant une coupe en or. Smaug s’en avise et, croyant le vol perpétré par les hommes de Bourg-du-Lac, se dirige vers la ville pour la détruire. L’archer Bard (Barde), héritier des princes du Val (Dale), parvient à le tuer : sa flèche noire trouve le seul point du ventre de Smaug que ne couvre pas son armure de pierres précieuses.
Le trésor de Smaug n’a désormais plus de maître, et les hommes de Bourg-du-Lac comme les elfes de la Forêt se dirigent vers la Montagne. Ils découvrent que les nains ont renforcé les défenses, et Thorin refuse toute négociation, convaincu que le trésor tout entier lui revient de droit. Alors que les hommes et les elfes se préparent à attaquer la montagne, Bilbo se rend dans leur campement avec la Pierre Arcane (Arkenstone), l’objet du trésor le plus précieux aux yeux de Thorin. Le hobbit espère ainsi éviter un bain de sang inutile.
Le lendemain arrivent des renforts nains conduits par Dain, le cousin de Thorin, qui persiste dans son refus de toute négociation. Les deux camps sont prêts à croiser le fer lorsqu’ils sont surpris par une immense armée de gobelins. Nains, elfes et hommes s’unissent alors pour les combattre lors de la bataille des Cinq Armées, qui semble perdue jusqu’à l’arrivée des aigles, ainsi que de Beorn. Celui-ci tue Bolg, le chef des gobelins, et leur armée, démoralisée, est aisément vaincue. La victoire est acquise, mais Thorin et ses neveux Fili et Kili trouvent la mort durant l’affrontement. Le trésor est réparti entre les vainqueurs, et Bilbo sort de son aventure plus riche de deux petits coffres, l’un rempli d’or et l’autre d’argent, ainsi que de l’anneau magique.

Contexte

Le Val et la Montagne Solitaire.
Le royaume sous la Montagne est fondé en l’an 1999 du Troisième Âge par les nains du peuple de Durin, qui ont dû fuir leur demeure ancestrale de la Moria quelques années auparavant. Ils connaissent une grande prospérité en commerçant avec les hommes du Val, cité établie au pied de la Montagne, ainsi qu’avec les elfes de Grand’Peur. Leur richesse attire l’attention du dragon Smaug, qui attaque la Montagne en 2770. Les nains sont décimés, la cité du Val anéantie, et les quelques survivants du désastre, dont le roi Thror, son fils Thrain et son petit-fils Thorin, doivent s’enfuir et sont réduits à une vie de misère et d’errance. Ils s’établissent dans les Montagnes Bleues2.
Un siècle avant les événements du Hobbit, en 2841, Thrain, devenu roi, décide de retourner à la Montagne. En chemin, il est capturé et emprisonné à Dol Guldur, où on lui extorque le dernier des Sept anneaux des Nains. Neuf ans plus tard, le magicien Gandalf pénètre en secret à Dol Guldur. Il y découvre par hasard le vieux nain à l’agonie, qui lui remet la carte et la clef de la Montagne avant de mourir. Gandalf découvre également que le maître de Dol Guldur n’est autre que Sauron, le Seigneur des Ténèbres. Il tente de convaincre le Conseil Blanc d’attaquer la forteresse avant qu’il ne soit redevenu trop puissant, mais le chef du Conseil, Saroumane, s’y oppose. Peu après, ce dernier commence à rechercher l’Anneau unique dans les Champs aux Iris3.
En réalité, l’Anneau ne s’y trouve plus depuis plusieurs siècles : le hobbit Déagol l’a découvert dans les Champs aux Iris vers 2460, pour être aussitôt assassiné par son cousin Sméagol. Celui-ci utilise l’Anneau à mauvais escient et finit par être chassé par son peuple. Il se réfugie dans les cavernes des Montagnes de Brume. L’Anneau prolonge son existence de plusieurs siècles et en fait une créature corrompue et contrefaite, Gollum3.

Historique

Rédaction

Au début des années 1930, Tolkien occupe la chaire Rawlinson & Bosworth de vieil anglais du Pembroke College, à l’université d’Oxford. Il publie régulièrement des poèmes dans diverses revues universitaires4. Ses capacités créatives s’expriment également dans les Lettres du Père Noël qu’il envoie à ses enfants chaque année. Ces lettres richement illustrées racontent les aventures du Père Noël, de son assistant l’ours polaire et d’elfes luttant contre des gobelins. En parallèle, il poursuit depuis la fin des années 1910 le développement d’une mythologie personnelle, liée à ses langues elfiques, qui deviendra Le Silmarillion.
En 1955, J. R. R. Tolkien raconte dans une lettre à W. H. Auden comment, un été où il était occupé à la correction de copies de littérature anglaise, il écrivit sur une copie laissée blanche la première phrase du Hobbit : « Dans un trou vivait un hobbit », sans savoir d’où venait cette idée5. Tolkien déclare par ailleurs ne pas se souvenir de la date exacte à laquelle il écrivit cette phrase, ni le premier chapitre, mais seulement que rien n’était prévu consciemment et que le récit progressa au fur et à mesure que les idées lui venaient. Son deuxième fils Michael suggère l’année 1929 comme début de rédaction du roman : quelques-uns de ses propres écrits, datant de cette période, sont clairement inspirés du Hobbit, roman que son père lisait à ses fils au cours de son élaboration6. Néanmoins, John D. Rateliff, dans The History of the Hobbit, suggère que la rédaction du récit n'a pas débuté avant l'été 19307.
Pendant une brève période après l’invention de la première phrase, Tolkien ne fait que dessiner la carte de Thrór, qui représente les territoires où se déroulent les principaux événements du roman5. Cependant, une fois lancé, Tolkien rédige les chapitres avec aisance, sans guère de corrections, jusqu’au moment de la mort du dragon Pryftan. Dans cette première version, le chef des nains s’appelle Gandalf et le magicien, Bladorthin8.
Photographie de J. R. R. Tolkien en 1916.
Le roman est dès le début soumis à l’influence des textes du futur Silmarillion. Bladorthin raconte aux nains l’histoire de Beren et Lúthien triomphant du Nécromancien, établissant ainsi l’identité de ce personnage avec Thû (plus tard nommé Sauron). Le roi des gobelins tué par Bandobras Touque lors de la bataille des Champs Verts est tout d’abord appelé Fingolfin, tout comme le fils du roi Finwë dans les Contes perdus9. Le personnage d’Elrond est apparenté aux semi-elfes, bien que Tolkien ne considère cela que comme « un heureux hasard, dû à la difficulté qu'il y a à inventer sans cesse de bons noms pour les nouveaux personnages10 ». Le roman comprend aussi des allusions aux Gnomes (plus tard appelés Ñoldor) et à la destruction du royaume elfique de Gondolin.
Le récit de la traversée des Montagnes de Brume est inspiré des vacances passées par Tolkien en Suisse durant l’été 191111,12. Des années auparavant, Tolkien avait rédigé un poème intitulé Glip et parlant d’une créature visqueuse aux yeux lumineux qui ronge des os dans une caverne, annonçant le personnage de Gollum13. Le chapitre qui se déroule dans la forêt de Grand’Peur est celui qui évolue le plus par rapport à la version publiée : le passage de la Rivière enchantée et la capture des nains par les elfes n’apparaissent pas dans la première version14.
Le chef des nains est rebaptisé avec un autre nom tiré de la Völuspá, Eikinskjaldi, qui devient Oakenshield en anglais, tandis que le magicien prend le nom de Gandalf, plus approprié car signifiant selon Tolkien « elfe au bâton » en islandais15,8. Le nom Bladorthin est attribué à un roi mystérieux, mentionné une seule fois dans le texte du roman et nulle part ailleurs dans l’œuvre de Tolkien. Le dragon change également de nom : il devient Smaug, qui correspond au parfait du verbe germanique primitif smugan « se glisser dans un trou », ce que Tolkien qualifie de « mauvaise blague de philologue ». À l’origine, c’est Bilbo qui est censé tuer le dragon avec Dard et l’anneau magique, mais en fin de compte, souhaitant quelque chose de plus crédible, Tolkien attribue finalement ce rôle à l’archer Bard. C’est à ce point que Tolkien abandonne l’écriture du roman, qui reste inachevé8.
Fin 1932, Tolkien fait lire une copie de Le Hobbit à son ami C. S. Lewis16. Il le prête également à Elaine Griffiths, une ancienne élève et amie de la famille Tolkien qui travaille pour l’éditeur britannique Allen & Unwin. En 1936, Griffiths parle du roman à une ancienne camarade d’Oxford, Susan Dagnall, qui demande à Tolkien de lui prêter le livre. Intéressée, Dagnall lui demande de terminer Le Hobbit afin de le proposer à l’éditeur8.
Au début, Tolkien prévoit de situer la bataille contre les gobelins lors du voyage de retour de Bilbo ; elle se serait alors appelée « bataille de la Vallée de l’Anduin ». Cependant, la situation se complique du fait de la convoitise provoquée par le trésor, et de la volonté des habitants de Lacville d’obtenir une part de l’or pour reconstruire leur ville détruite par Smaug, ce qui entraîne au bout du compte la bataille des Cinq Armées17. Le Hobbit est terminé à l’été 1936, mais Tolkien ne l’envoie à Allen & Unwin que le 3 octobre. De l’avis de Stanley Unwin, les meilleurs juges de la littérature jeunesse sont les enfants eux-mêmes, et il fait donc lire le roman à son fils Rayner, alors âgé de dix ans. Celui-ci rédige un compte-rendu enthousiaste, qui décide son père à publier le livre16,18 :
« Bilbo Sacquet était un hobbit qui vivait dans un trou de hobbit et ne partait jamais à l’aventure, et enfin le sorcier Gandalf et ses nains l’ont persuadé de partir. Il a eu des moments passionnants à se battre contre les lutins et les wargs, enfin ils sont arrivés à la montagne solitaire ; Smaug le dragon tout rouge est tué et après une terrible bataille avec les lutins il rentre chez lui — riche ! Ce livre, avec ses cartes, n’a pas besoin d’images, il est bon et devrait plaire à tous les enfants entre 5 et 9 ans. »
— Avis de Rayner Unwin sur Le Hobbit8.
Quand il reçoit les épreuves d’imprimerie en février 1937, Tolkien trouve quelques passages à rectifier car il n’avait pas eu le temps de relire avec attention le manuscrit envoyé à l’éditeur8. À cause de cela et de quelques problèmes avec les illustrations, le roman n’est pas publié avant septembre.

Influences

Le Hobbit témoigne de l’influence de plusieurs poèmes épiques, mythes et contes de fées lus par Tolkien, notamment Beowulf, le poème épique anglo-saxon sur lequel Tolkien travailla toute sa vie, les contes de fées d’Andrew Lang et ceux des frères Grimm, La Princesse et le Gobelin et sa suite, The Princess and Curdie, de George MacDonald, ou encore, The Marvellous Land of Snergs d’Edward Wyke-Smith19.
Odin, divinité de la mythologie nordique, est en partie le modèle du magicien Gandalf20.
Selon la biographie de Tolkien par Humphrey Carpenter, le magicien Gandalf trouve son origine dans une carte postale achetée par l’écrivain en 1911N 2, pendant ses vacances en Suisse, qui reproduit un tableau du peintre allemand Josef Madlener intitulé Der Berggeist (« l’esprit de la montagne »). Cette peinture représente un vieillard à la barbe blanche, vêtu d’un long manteau et d’un ample chapeau, caressant un faon dans un décor champêtre, avec des montagnes à l’arrière-plan. Carpenter affirme dans sa biographie que, des années après avoir acquis cette carte postale, Tolkien nota dessus : « Origine de Gandalf »21.
Les nains de la Völuspá, dans l’Edda poétique. Tolkien reprend leurs noms pour ses propres nains15.
Le personnage de Gandalf est particulièrement influencé par la divinité germanique et nordique Odin dans son incarnation de Vegtamr, un vieillard à longue barbe blanche, avec un large chapeau et un bâton de marche20. Le nom de Gandalf et des nains de la compagnie sont tirés de l’Edda poétique, une collection de poèmes écrits en vieux norrois, et plus particulièrement de la Völuspá, le premier d’entre eux15. Comme Gandalf abandonne les nains et Bilbo plusieurs fois juste avant qu’ils ne soient capturés, Douglas A. Anderson remarque que sa conduite rappelle celle de l’esprit de la montagne des monts des Géants tchéco-polonais, le Rübezahl, qui s’amuse de l’égarement des voyageurs22.
Tom Shippey suggère qu’un autre des poèmes de l’Edda poétique, le Skirnismál (« chant de Skirnir »), a pu influencer Tolkien pour les Montagnes de Brume, et notamment le chapitre « De Charybde en Scylla », en particulier un passage du poème qu’il traduit par : « The mirk is outside, I call it our business to fare over the misty mountains, over the tribes of orcs23 ». Il observe en outre que Beorn présente des ressemblances avec Beowulf et Bothvarr Bjarki, personnage de la saga nordique de Hrólfr Kraki24.
Lorsque l’on demande à Tolkien si le passage dans lequel Bilbo vole l'Arkenstone à Smaug est inspiré du vol de la coupe dans Beowulf, il répond :
« Beowulf fait partie des sources que j’estime le plus, bien qu’il n’ait pas été consciemment présent à mon esprit tandis que j’écrivais, et l’épisode du vol s’est présenté naturellement (et presque inévitablement) au vu des circonstances. Il est difficile d’envisager une quelconque autre façon de poursuivre l’histoire à ce moment-là. J’aime à penser que l’auteur de Beowulf dirait à peu près la même chose25. »
— J. R. R. Tolkien, lettre au rédacteur en chef de l’Observer
Beowulf et Sigurd affrontent des dragons qui meurent de façon similaire à Smaug dans Le Hobbit26
Selon Tom Shippey, la conversation entre les deux personnages s’inspire également du Fáfnismál (« La ballade de Fáfnir »), un poème de l’Edda poétique27. Douglas Anderson remarque que les deux grands dragons de la littérature nordique, celui de la Völsunga saga (Fáfnir) et celui de Beowulf, meurent quand on les blesse au ventre, de même que Smaug26. Anderson cite également les romans de George MacDonald, La Princesse et le Gobelin et sa suite, La Princesse et Curdie, comme ayant influé sur l’aspect des gobelins28, la vision des piémonts montagneux29 ou le comportement de Galion, échanson de Thranduil, qui est semblable à celui du majordome du roi dans The Princess and Curdie, puisque les deux aiment boire les meilleurs vins de leurs seigneurs respectifs30.
En 1955, Tolkien admet dans une lettre à W. H. Auden que le roman pour enfants The Marvellous Land of Snergs, de E. A. Wyke-Smith, est « sans doute une source littéraire inconsciente (!) pour les Hobbits et pour rien d’autre »5. Ce roman raconte l’histoire d’un Snerg, membre d’une race anthropomorphe caractérisée par sa petite taille, de même que les hobbits. Tolkien déclare que le mot « hobbit » a pu lui être inspiré par le roman satirique Babbitt, de Sinclair Lewis.
Le passage des wargs s’inspire en partie de la bataille des lycanthropes dans The Black Douglas, considéré par Tolkien comme l’un des meilleurs romans de S. R. Crockett, qui l’a particulièrement impressionné dans son enfance12. Douglas Anderson propose de voir dans le Maître de Lacville et ses conseillers un reflet des membres du conseil municipal de la cité de Hamelin dans le poème Le Joueur de flûte de Hamelin de Robert Browning (1842) : il est lui aussi « avare, égoïste, et il se préoccupe des intérêts de ses concitoyens seulement dans la mesure où cela sert les siens31 ».

Publication

La première édition du Hobbit voit le jour en 1937. Elle est le résultat de longues discussions entre Tolkien et son éditeur, notamment au sujet des illustrations. Le grand succès du livre entraîne plusieurs réimpressions, tandis que la publication du Seigneur des anneaux incite Tolkien à en réviser le contenu.

Illustrations

Table des runes anglo-saxonnes employées par Tolkien dans Le Hobbit.
La correspondance entre Tolkien et ses éditeurs témoigne de l’implication de l’auteur sur les illustrations. Tous les éléments ont fait l’objet d’une correspondance intense, comme en témoigne Rayner Unwin dans ses mémoires :
« En 1937 uniquement, Tolkien écrivit 26 lettres à George Allen & Unwin […] parfois longues (elles pouvaient facilement totaliser cinq pages), détaillées, éloquentes, souvent mordantes, mais infiniment polies et d'une précision exaspérante. […] Je doute qu'aucun écrivain actuel, aussi célèbre soit-il, puisse recevoir d'un éditeur une attention aussi scrupuleuse32. »
Les cartes sont également sources de débats : Tolkien veut en inclure cinq à l’origine. Il souhaite notamment que la carte de Thror soit insérée dans le livre à sa première mention dans le texte, avec les runes « magiques » imprimées de sorte à n’être visibles uniquement par transparence33,8. Ce procédé se révèlerait trop coûteux, et en fin de compte, le livre ne comprend que deux cartes, la carte de Thrór et celle de la Sauvagerie, reproduites en deux couleurs (noir et rouge)34.
Dans un premier temps, Allen & Unwin envisage de n’illustrer le livre qu’avec des cartes, mais les premiers brouillons de Tolkien leur plaisent tellement qu’ils décident de les intégrer sans augmenter le prix du livre, malgré les coûts supplémentaires. Encouragé, l’auteur leur offre un second lot de dix illustrations en noir et blanc : « La Colline : Hobbiteville de l’autre côté de l’Eau » (The Hill: Hobbiton across the Water), « Les Trolls » (The Trolls), « Le Sentier de montagne » (The Mountain Path), « Les Montagnes de Brume vue du haut de l’Aire, regardant vers l’ouest et la Porte des Gobelins » (The Misty Mountains looking West from the Eyrie towards Goblin Gate), « La Salle de Beorn » (Beorn’s Hall), « Grand’Peur » (Mirkwood), « La Porte du Roi elfe » (The Elvenking’s Gate), « Le Bourg-du-Lac » (Lake Town), et « La Grande Porte » (The Front Gate). Ces illustrations occupent chacune une pleine page, hormis « Grand’Peur », qui exige une double page35.
Après les avoir acceptées, la maison d’édition convainc Tolkien de dessiner aussi la jaquette du livre, alors même qu’il doute de ses capacités de dessinateur. L’inscription runique autour de la jaquette est une translittération phonétique de l’anglais, donnant le titre du livre et les noms de l’auteur et des éditeurs36. Cependant, ce dessin nécessite plusieurs couleurs pour son impression : rouge, bleu, vert et noir, ce qui est particulièrement coûteux37,38. Tolkien redessine la jaquette plusieurs fois, avec de moins en moins de couleurs ; la version finale ne comporte plus que du noir, du vert et du bleu sur un fond blanc39.
La maison d’édition américaine Houghton Mifflin, chargée de publier le livre aux États-Unis, suggère d’engager un dessinateur anonyme qui produirait quelques illustrations en couleur pour accompagner les dessins en noir et blanc de Tolkien. Celui-ci ne s’y oppose pas, à la seule condition que les illustrations ne rappellent ni ne soient influencées par Disney, que Tolkien n’apprécie guère. En revanche, Stanley Unwin estime qu’il vaudrait mieux que Tolkien illustre lui-même tout le livre, ce qui sera finalement le cas40. La première édition américaine remplace « La Colline : Hobbiteville de l’autre côté de l’Eau » par une version en couleur et ajoute de nouvelles planches colorées : « Fendeval » (Rivendell), « Bilbo se réveilla avec le soleil de l’aurore dans les yeux » (Bilbo Woke Up with the Early Sun in His Eyes), « Bilbo arrive aux huttes des elfes des radeaux » (Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves) et « Conversation avec Smaug » (Conversation with Smaug), avec une malédiction nanique écrite en tengwar, un alphabet inventé par Tolkien, et signée de deux þ pour Thráin et Thrór41. La deuxième édition britannique reprend les illustrations en couleur, à l’exception de « Bilbo se réveilla avec le soleil de l’aurore dans les yeux »42.
Les différentes éditions du livre ont été illustrées de façons diverses. Plusieurs suivent plus ou moins fidèlement l’arrangement original, mais beaucoup d’autres sont illustrées par d’autres artistes, particulièrement les versions traduites. Certaines éditions les moins chères, en livre de poche, ne contiennent que les cartes. De manière inhabituelle, l’édition du The Children's Book Club de 1942 contient les illustrations en noir et blanc, mais pas les cartes.
L’usage des runes fait par Tolkien, comme simples éléments de décoration ou comme signes magiques dans l’histoire, est considéré comme l’une des raisons de la popularité de ce système d’écriture dans le courant New Age et la littérature ésotérique43, du fait de la popularité de l’œuvre de Tolkien en tant qu’élément de la contreculture des années 197044.

Publication en anglais

Le Hobbit est publié au Royaume-Uni par Allen & Unwin le 21 septembre 1937. Grâce aux critiques enthousiastes, le premier tirage de 1 500 exemplaires est écoulé avant la fin de l’année, et un second tirage de 2 300 exemplaires, comprenant cette fois-ci quatre illustrations en couleurs (les illustrations de Tolkien étant entre-temps revenues d’Amérique), est édité en décembre. Aux États-Unis, Le Hobbit paraît chez Houghton Mifflin le 1er mars 1938, avec quatre illustrations en couleur, et rencontre un tout aussi grand succès : près de 3 000 exemplaires sont écoulés avant le mois de juin45.
Le succès du livre ne se dément pas, mais le rationnement du papier pendant la Seconde Guerre mondiale et les années qui suivent entraîne une baisse des ventes et rend le livre presque introuvable, bien qu’il ait été réimprimé en 194246. Les ventes du livre augmentent considérablement avec la publication du Seigneur des anneaux et atteignent leur maximum dans les années 196047. En 2008, près de cent millions d’exemplaires du Hobbit ont été vendus dans le monde48.
Un exemplaire de la première édition anglaise fut vendu aux enchères à la fin de 2004 pour 6 000 livres sterling49, alors qu’un autre, cette fois signé, atteignit les 60 000 livres dans une vente aux enchères réalisée en mars 200848.

Révisions

En décembre 1937, Stanley Unwin demande à Tolkien une suite au Hobbit. En réponse, celui-ci lui propose les manuscrits du Silmarillion, mais l’éditeur les refuse, estimant que le public désire « plus d’informations sur les hobbits50 ». Tolkien commence alors à travailler sur ce qui va devenir Le Seigneur des anneaux, ce qui l’oblige à apporter des modifications au Hobbit.
Ainsi, dans la première édition du Hobbit, Gollum propose son anneau magique en gage du jeu des énigmes, et après sa défaite, il est disposé à l’offrir à Bilbo. Cependant, l’ayant perdu, il offre à la place au hobbit de le conduire hors des cavernes des gobelins51. Afin de refléter le nouveau concept de l’anneau et son pouvoir de corruption, Tolkien rend Gollum plus agressif et moins honnête envers Bilbo, qu’il ne guide plus hors des cavernes qu’involontairement.
En 1947, Tolkien envoie à Unwin cette version réécrite du cinquième chapitre « Énigmes dans l’obscurité », à titre d’exemple des changements nécessaires pour rendre le livre cohérent avec Le Seigneur des anneaux. Trois ans plus tard, Tolkien est surpris de découvrir que cette nouvelle version du chapitre est incorporée dans les épreuves de la nouvelle édition du Hobbit, n’ayant pas été prévenu que ce changement allait être apporté52. Cette deuxième édition paraît en 1951, avec une note explicative dans laquelle Tolkien explique de manière interne la modification du chapitre 5 : la première version était celle que Bilbo avait racontée à ses compagnons, alors que celle de la deuxième édition raconte les véritables événements, Gandalf ayant obtenu la vérité à force de pressions51.
Pour adapter davantage le ton du Hobbit à celui de sa suite, Tolkien commence une nouvelle version du roman en 1960. Cette réécriture adapte notamment la géographie des premiers chapitres selon le trajet suivi par Frodon dans Le Seigneur des anneaux. Cependant, Tolkien l’abandonne dès le chapitre 3, s’étant vu dire que « ce n’était tout simplement plus Le Hobbit » : sa réécriture avait perdu le ton insouciant et le rythme soutenu du récit original53.
En 1965, la maison d’édition américaine Ace Books publie une édition de poche non autorisée du Seigneur des anneaux. Les éditeurs américains officiels de Tolkien, Houghton Mifflin (grand format) et Ballantine Books (poche), demandent à Tolkien de produire une version révisée du roman, afin d’en corriger les petites erreurs et d’avoir une version clairement soumise au droit d’auteur sur le sol américain. Bien que cette révision soit urgente, Tolkien préfère se consacrer à une nouvelle révision du Hobbit, introduisant de nouveaux changements pour correspondre à l’évolution de la Quenta Silmarillion. Ainsi, le passage « elves that are now called Gnomes » (« les elfes à présent appelés Gnomes ») devient « High Elves of the West, my kin » (« les Hauts Elfes de l’Ouest, mon peuple »). Tolkien utilisait à l’origine le terme Gnome pour désigner les Ñoldor : l’étymologie grecque gnosis (« connaissance ») lui paraissait en faire un nom approprié pour les plus sages des elfes. Cependant, l’idée qu’on puisse associer ses elfes aux gnomes de Paracelse lui fait
 abandonner cette idée. Cette troisième édition est publiée en février 1966

















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